Je discute parfois sur des blogs ou des chats de philosophie, de sociologie, de voyages… Dans de très nombreux cas les discours finissent par s’orienter vers la spiritualité, à tel point que si vous cherchez de la philosophie avec votre moteur de recherche préféré, vous allez irrémédiablement tomber sur des blogs religieux, new âges, traditionnels voire intégristes parfois. A voir ça, on croirait presque que la philo est exclusivement destinée à l’étude de questions spirituelles ou théologiques…
J’en suis venu à pondre un petit texte pour contrer certains arguments de ceux qui militent en faveur de l’existence d’un esprit supérieur, d’une spiritualité qui nous serait inaccessible (le genre : il y a des trucs qui nous dépassent, c’est forcément dans le monde des esprits –ou de l’esprit- que se trouve la solution).
Les trois arguments que je traite ici sont :
1) le sens de la vie (si il n’y a pas d’esprit supérieur, la vie n’a pas de sens, c’est impossible)
2) Les sentiments humains et la pensée réfléchie ne peuvent être apparus par hasard comme le pensent (raient !) les matérialistes.
3) Le sens moral propre à l’humain ne peut être apparu par hasard, il faut qu’il ait été dicté par un esprit supérieur.
Dans un premier temps, penser l’existence sous l’angle de son sens (le but de l’existence) est déjà un point de départ orienté.
En effet, si l’existence a un but, alors il est évident qu’il y a un créateur, un esprit supérieur qui a fixé ce but. Se demander “quel est le but de l’existence ?” et prétendre répondre à cette question en affirmant une existence divine est donc un sophisme car la question contient la réponse.
La vraie question serait plutôt : “pourquoi l’existence aurait-elle un but ?” et là deux réponses sont possibles :
1) parce qu'un esprit supérieur lui en a donné un.
2) il n’y a aucune raison pour que l’existence ait un but.
Le choix entre ces deux réponses est indécidable, puisqu’on ne peut prouver l’inexistence d’un esprit supérieur.... Du point de vue de la logique pure, ces deux propositions ont autant de chances d’être vraies l’une que l’autre.
Un autre argument en faveur de l’existence d’un esprit supérieur consiste à dire que la pensée humaine et les sentiments ne peuvent être nés par hasard car trop complexes. On opposerait cela à une supposée vision matérialiste du monde…
Or, il se trouve que considérer que le hasard seul ne peut avoir donné lieu à l’existence de la pensée humaine (création, imagination, etc....) est quasiment une tautologie qui aboutit à une même indécision logique quant au sujet qui nous préoccupe :
Première proposition, Il est bien évident que ce n’est pas le hasard qui a construit la pensée, car la pensée correspond au stade ultime de l’évolution telle que nous la connaissons. Cette évolution, fruit de millions d’années depuis le protozoaire, n’est pas le fruit du hasard mais celui d’une adaptation de la vie au milieu naturel. Le milieu naturel, lui est le fruit du hasard confronté aux lois physiques, mais la vie s’y adapte par nature : les formes inadaptées disparaissent (des milliards depuis le début) les autres survivent et se “confortent” naturellement dans leur forme adaptée à cette survie. C’est de la logique pure encore une fois.
Maintenant, deuxième proposition, il est impossible de prouver que ce n’est pas un esprit supérieur qui a fait naitre la pensée....
Autre chose encore : prétendre que le jugement moral (conscience du bien et du mal) ne peut être né de lui-même dans l’esprit humain est aussi une question orientée qui contient en à priori la réponse que l’on veut lui donner (ouroboros !). Encore une fois les deux propositions indécidables pointent le bout de leur nez :
1) Un esprit supérieur à fait naitre les jugements moraux dans notre cerveau et on ne peut pas prouver le contraire
2) Le jugement moral correspond à une adaptation de l’espèce à son milieu naturel.
Cela va un peu plus loin, aussi : on ne peut être catégoriques quant à l’exclusivité de la possession du sens moral par l’humain car les bonobos par exemple sont tout à fait capables de montrer des signes d’empathie, de respect (ou non) de règles morales. Un vrai langage leur manque, mais ils peuvent en acquérir les rudiments. Il pourrait donc y avoir différents stades de l’évolution du sens moral qui ne serait par conséquent pas “apparu par magie” pour faire court, mais se serait plutôt constitué progressivement par une lente adaptation au milieu naturel.
De plus, le sens moral est à géométrie variable selon l’ethnie considérée et donc selon le milieu naturel, ce qui plaide pour une constitution évolutive en adaptation au milieu.
Au regard de ces trois items (la question du sens, la pensée, le sens moral) on se rend compte que l’argument (il n’y en n’a qu’un) qui plaide pour l’explication spirituelle est toujours le même.
C’est un argument négatif : on ne peut pas prouver le contraire. Il existe à contrario pléthore d’arguments scientifiques détaillés pour contredire cette version (qui reste logiquement possible, je le redis).
Je conclurai en utilisant un proverbe : Quand tu entends un bruit de sabots, pense d’abord au cheval avant de penser au zèbre .... Pourquoi aller chercher une explication compliquée à justifier et improuvable alors que des tas d’arguments logiques permettent de chercher dans une direction plus évidente et logique ?